Chaque mardi, je n’ai ni téléphone portable, ni mails, ni réseaux sociaux. C’est le mardi déconnecté !
Et c’est le jour où je travaille le plus.

Pourquoi le mardi ?

En général, le début de semaine rime avec débordement d’énergie ! J’avais écarté le mercredi pour ne pas faire croire que je m’occupe de mes enfants alors que je n’en ai pas, tout comme le lundi et vendredi pour éviter l’image de weekends à rallonge… Le jeudi ? C’est un jour d’ultra connexion, le weekend arrive à grand pas et beaucoup s’activent par mail. Le mardi déconnecté était l’évidence !

Mais être déconnecté, ça veut dire qu’on ne travaille pas ?

Dans l’imaginaire collectif, être hors ligne signifie être en vacances… Bien au contraire : c’est le jour où je suis vraiment efficace ! Tout simplement parce que je ne suis pas interrompue par des appels /des sms /des notifications /des mails. Et c’est donc le jour où je travaille le plus !

Mais pourquoi faire un jour déconnecté ?

Le mardi déconnecté est une bénédiction pour aborder des sujets compliqués, un mail ardu, une décision stratégique, un article pointu. Personne ne peut perturber ma réflexion car la continuité de ma pensée vaut de l’or ! Combien de belles idées ai-je perdu jusqu’ici à cause de mon smartphone ?

Ça doit être dur toute une journée sans connexion ?

Quand une question devient bloquante, la tentation est grande de vérifier ses mails, ou encore d’espérer avoir reçu un sujet plus simple à traiter, regarder ses sms pour y répondre, envoyer un mail peu urgent. C’est fou comme l’approche d’une tâche lourde peut donner des ailes pour effectuer quantité de petites tâches futiles. C’est le problème de la distinction entre urgence et importance !

Si je devais essayer, moi je n’y arriverais jamais !

Au départ, c’était difficile. Voir les autres sur leurs mails, leur compte Facebook, leur smartphone me rendait jalouse… Peu à peu, je gagnais en sérénité. Face à des moments de blocage, j’étais d’abord désemparée puisque les réflexes de connexion m’étaient interdits. Je devais me forcer. Et alors, tout avance ! Le travail. Mais surtout ma confiance en moi, ma fierté de faire les choses. Je suis tellement heureuse à la fin de ma journée !

C’est quoi un emploi du temps d’une journée déconnectée ?

Le mardi déconnecté, c’est le jour où je maîtrise mon temps. J’ai un planning en tête et je le suis. Le soir, je garde mes idées en tête pour les laisser reposer pendant la nuit. Le mardi est mon sabbat numérique. Les premières fois, je regardais mes mails à la fin de mon mardi déconnecté. L’erreur : je réfléchissais, abandonnant la sérénité de la journée, perdant le fil de mes belles réflexions. Alors j’ai arrêté. Et ça ne dérange personne que je réponde le mercredi matin !

En théorie de gestion du temps, une journée de travail est un bocal qu’on remplit de gros cailloux, de gravier et de sable. Remplir le bocal de sable ne laisse plus de place aux gros cailloux. Pour traiter vos gros cailloux (des tâches lourdes, comme cette proposition commerciale ou ce discours d’inauguration), il vaut mieux les affronter assez tôt dans la journée, pour ne pas laisser trop de place au sable (des réponses à des mails peu urgents, des problèmes récurrents solvables rapidement). Ce qui fait votre confiance en vous, votre sentiment de plénitude, de réussite, ce sont ces gros cailloux ! Donner à tous le droit de vous interrompre alors que vous traitez vos gros cailloux, c’est leur permettre d’amener, à votre insu, du sable dans votre bocal !

Comment faire pour aller à un rendez-vous lors d’un mardi déconnecté ?

Il suffit de prévenir qu’on n’a ni téléphone, ni mail. Pour ma part, je reste 15 min à l’endroit du rendez-vous, c’est tout. Je gagne ainsi en sérénité. Nos smartphones nous ont rendus moins ponctuels, à envoyer des sms « j’arrive », « je me gare », « je suis en chemin » même si ça nous retarde. Se libérer de ces sms m’enlève un stress énorme.

Et si une urgence arrive le jour où on est déconnecté ?

99% des appels sont peu urgents ou peu importants ; seul 1% des appels peut changer notre vie. Je refuse de sacrifier toute mon énergie pour ce 1%. Au besoin, il peut m’arriver de donner le numéro d’un collègue sur ma messagerie vocale. Ajouter un obstacle comme « voici le numéro d’urgence si votre appel mérite une réponse urgente » permet d’épurer les appels inutiles.

Répondre à des demandes urgentes favorise ce type de comportement, symptomatique de personnes qui manquent parfois d’anticipation et qui font paraître leurs requêtes bien plus prioritaires qu’elles ne le sont en réalité. Pour exemple, j’avais été contactée pour un article à sortir le jour-même, un mardi et aucune demande — mail, téléphone, Facebook — n’a reçu de réponse. L’appelant le lendemain, nous avons discuté, pris un café et l’article est paru la semaine suivante. Pourquoi s’inquiéter ?

Si je fais ça, mes collègues vont penser que je suis un fainéant !

Ce sentiment de culpabilité est compréhensible. Mais injustifié. Vous avez le droit de bloquer sur un sujet compliqué, de vous sentir perdu sur un dossier difficile, de chercher à prendre du recul pour aborder une négociation différemment. Vous êtes absent numériquement, mais vous faites avancer les choses malgré tout. Ne vous sentez pas coupable de traiter en profondeur des sujets d’importance au lieu de répondre superficiellement à moult sollicitations. Répondre à un mail après réception ne fait pas de vous un employé modèle : renoncez à la dictature de l’instantanéité. Un mail est une information, il ne demande pas de réponse immédiate sinon l’expéditeur vous aurait appelé !

Enfin, méfiez-vous du présentéisme numérique ! Ceux qui écrivent le plus de mails ne sont pas forcément ceux qui travaillent le mieux. Car si un collègue n’a pas répondu à votre dernier mail, c’est peut-être qu’il était dans l’analyse d’un autre sujet. Vous apprécierez à votre tour qu’il mette autant de concentration dans l’analyse de votre question.

Mais je vais m’ennuyer si je n’ai pas mon téléphone, mes mails ou mes réseaux sociaux ?

Recevoir des mails, des appels, des notifications, des messages nous fait sentir vivants. Ce sont d’infimes moments de plaisir, assez faciles à trouver. N’aborder que trois sujets dans la journée mais les faire vraiment jusqu’au bout pour terminer sa journée avec ce sentiment d’accomplissement d’avoir fini les choses proprement : c’est un véritable plaisir, qui dure bien plus longtemps que celui lié à la réception d’un mail ou d’une notification.

Pour moi, c’est important d’avoir plein de choses en tête en même temps !

La capacité de travailler en multitâche correctement ne touche qu’une infime partie de la population. En général, les personnes naviguent entre les tâches, perdant beaucoup de temps de transfert. Autre chose : l’ennui est ultra productif ! Ce sont les moments où on a les meilleures idées. Prenez Archimède ou Newton. Ou même Edison. Ces grands inventeurs ont eu des moments de relaxation, de repos juste avant d’avoir des idées lumineuses ! Je pense que nous avons tous le droit à un brin d’ennui parfois. Et même le devoir.

Si je ne traite pas mes mails progressivement, ça sera une tâche gigantesque le lendemain !

Répondre un mail construit posément vaut mieux que cinq mails ping pong. Au départ, la tâche m’inquiétait. Mais le lendemain, je me suis rendue compte que certaines questions avaient été résolues d’elle-même et j’ai arrêté de m’inquiéter ! J’ai alors compris une chose essentielle : le mail est complémentaire de mon travail, le mail n’est pas mon travail !

C’est beau, mais la qualité de vie au travail, ça ne concerne pas toutes les entreprises. Et la mienne ne serait sûrement pas d’accord avec ce discours !

Votre entreprise a peut-être les mêmes idées mais peinent à les mettre en place. Le droit à la déconnexion votée dans la Loi Travail est une première pierre pour une connexion raisonnée en entreprise. Si vous avez tout à gagner à travailler plus sereinement, votre entreprise aussi ! Lutter contre le burn out et les accidents du travail en évitant une suractivité numérique superficielle est forcément dans ses préoccupations.

Et les autres jours ?

Plusieurs idées pour une connexion raisonnée dans la semaine sont déjà connues et assez suivies : ne plus recevoir ses mails sur son smartphone, répondre aux mails par tranche d’heures, paramétrer son compte mail pour envoyer /recevoir à certaines heures fixes et non en continu, désactiver la notification d’arrivée de mail. Lire les mails en décalé apporte une forte sérénité : l’état d’esprit de l’expéditeur a changé. Cela permet d’éviter les renvois de mails acerbes, les trop fortes émotions.

A présent, mon entourage personnel et professionnel le sait, l’information est dans ma signature de mail, sur ma carte de visite : chaque mardi, je suis hors connexion. Je l’assume et je le vis très bien !

Quel que soit votre jour ou demi-journée de prédilection, je vous conseille de prévenir votre entourage, votre entreprise. Si vous le souhaitez, vous pouvez également prévoir une réponse automatique d’explication lors de votre journée déconnectée, en mettant un lien vers cet article ou d’autres articles prônant l’intérêt d’une connexion plus raisonnée.

Marie-Anne Cloarec, experte QVT 2.0