Facile et apparemment efficace, le mail semble une solution idéale pour communiquer en entreprise. Pourtant, la dépendance au mail est un virus par bien des aspects.

Quels problèmes majeurs pose l’utilisation du mail ?

1 – Le mail décloisonne mon travail

La boîte mail est un agrégat d’informations sur de multiples sujets et projets parallèles. Le tri n’est fait que par ordre chronologique. On ne voit en premier que les derniers mails parvenus, sans que soit appliqué (ou rarement) une règle de tri sur le sujet du mail.

Quel problème cela pose au quotidien ?

Si j’attends une réponse par mail sur un projet, consulter mes mails régulièrement me fait prendre conscience de l’avancé d’autres projets. Mais aussi de réponses à d’autres questions que celles sur lesquelles je travaille. La curiosité et l’impatience me poussent forcément à les consulter, voire à les traiter. Quelle que soit ma réaction face à ces mails, il est fort probable que ces informations me donnent des idées pour la suite. C’est humain : nous sommes des fabricants continuels d’idées. Pour ne pas les oublier, on les note sur des post-it, des logiciels de prise de note ou on écrit un nouveau mail pour les transmettre. Quels efforts !

L’effet négatif principal de cette pratique est une fragmentation de l’attention. Car chaque sujet nous demande une infime part de notre attention et de notre énergie. Des chercheurs ont théorisé cet effet : chacun de nous commence sa journée avec une quantité d’énergie prédéterminée. Puis il va y piocher au fur et à mesure de sa journée pour traiter des sujets qu’il choisit. C’est pour cette raison qu’il est préférable de commencer sa journée par des sujets complexes. Il s’agit de la base de la théorie des gros cailloux.

Pour être efficace, le cerveau a besoin de cloisonner le travail. C’est pourquoi de nombreux professionnels optent de plus en plus pour des logiciels de communication qui cloisonnent les échanges par projet, type Slack ou Teams.

2 – Le mail me demande énormément d’attention

Chaque mail entrant va consommer une part, certes minime, de ma capacité d’attention quotidienne.

Le cerveau humain apprécie ce qui est fini, traité et qu’on peut barrer de notre liste de tâches. A contrario, il n’apprécie pas vraiment les sujets qui trainent et qui sont inachevés, car ces sujets sont consommateur d’énergie. En effet, quand on abandonne un mail non traité, il y a une partie de notre attention qui reste sur le sujet pour tenter d’apporter des éléments de réponse. C’est automatique et inconscient, on appelle ça des « restes d’attention ». Malheureusement, notre attention n’est pas illimitée. Laisser une partie de notre attention sur chaque mail non traité diminue notre capacité d’attention sur le projet en cours. La diminution de cette attention a plusieurs inconvénients : baisse d’efficacité, augmentation du temps de traitement du projet, erreurs d’interprétation, incompréhensions, répétitions.

Voir les problèmes du mail sur la concentration

3 – Le mail est un gouffre d’énergie

Chaque mail entrant pousse à l’action.

En effet, l’arrivée d’un mail apporte avec lui sa notion d’urgence. Malheureusement son importance n’est pas évidente et demande une énergie supplémentaire pour se poser la question. voir la différence entre urgence et importance

La première question qu’on se pose est souvent : puis-je traiter ce mail maintenant rapidement ? Si oui, je le fais. Sinon, puis-je planifier de traiter ce mail ? Cette méthode est bien connue sous le therme GTD (Getting Things Done). C’est une méthode utile pour savoir gérer ses priorités quand on a une tendance addictive aux mails. Mais elle est très chronophage en temps et en énergie !

Se poser une question sur la décision de traiter ou non un mail est une activité située, au niveau cérébral, dans le lobe préfrontal. Cette action invisible déplace le centre de l’attention, jusqu’ici fixé à l’arrière du cerveau et qui a mis du temps à se mettre en place. Pour vous en convaincre, analysez le début d’une réunion : personne ne parle pour s’ancrer dans le sujet, avant de vraiment aborder des sujets de fonds. Se détacher de cette région du cerveau consacrée à la réflexion pour faire des actions est une perte de temps et d’énergie pour le cerveau. La perte de temps et d’énergie met une pression sur la réalisation du projet en cours. Il y a un effet presque immédiat sur l’augmentation du stress.

La dépendance au mail : à partir de quel moment est-on dépendant ?

Pour définir votre addiction aux mails, il suffit de répondre à quelques questions simples :

Est-ce que je regarde mes mails dès que je me lève le matin ?

Est-ce que je lis le mail dès que je reçois une notification d’arrivée des mails ?

Mes notifications d’arrivée de mail sont-elles activées sur mon smartphone le weekend et en vacances ?

Ai-je tendance à interrompre mon travail pour vérifier mes mails ?

Est-ce que je clique régulièrement sur « Envoyer / Recevoir » pour actualiser ma boîte de réception ?

Si vous avez répondu OUI à au moins deux questions, vous avez de fortes chances de développer une addiction aux mails.

Tous dépendants ?

Selon une étude d’AOL réalisée en 2010, 47% des Français se disent accrocs à leurs mails. Rappelons-nous les premières publicités pour le Blackberry : le nouvel appareil permettait de recevoir ses mails sur le trajet pour se rendre sur le lieu de travail, permettant ainsi de travailler en dehors des horaires de bureau. Il est évident que la réception des mails sur téléphone portable a augmenté les taux de dépendance aux mails. La nomophobie, à savoir la peur de ne pas avoir son téléphone sur soi, cumule les dépendances au smartphone et aux mails, augmentant les problèmes cités au dessus !

De nombreuses études pointent du doigts les dommages au quotidien des mails synchronisés sur le smartphone : en réunion, en déplacement, lors d’un travail de réflexion, la notification d’arrivée du mail nous distrait et nous pousse au multitasking. On estime que faire plusieurs choses à la fois diminue le QI davantage que lorsqu’on a passé une nuit blanche. Difficile à croire tellement la pratique du multitasking semble sans conséquence sur notre capacité d’attention…

La dépendance au mail est un fléau car le mail ne cloisonne pas le travail, consomme notre énergie et notre attention au quotidien, nous mettant dans l’urgence de traiter des sujets qui n’ont aucun rapport avec nos projets en cours.

De plus en plus d’ouvrages incitent à ne regarder ses mails qu’après 11h le matin. Pour donner un exemple, le co-fondateur de La Cordée à Lyon disait qu’il ne regardait jamais ses mails avant 10h30 ou 11h le matin. En effet, il avait besoin de travailler sur l’avenir de son entreprise. Or le mail plonge dans la routine du quotidien, ce qui empêche de voir plus loin.

Pour voir plus loin, gagner du temps et de l’énergie pour ce qui importe vraiment, détachons-nous de cette dépendance aux mails !

Marie-Anne CLOAREC, Experte QVT 2.0