Ou comment gagner en efficacité au quotidien

Lors de la deuxième révolution industrielle déjà, Taylor avait initié un comportement obligatoire dans l’entreprise : TOUS les salariés devaient faire une pause toutes les deux heures. Là où Taylor va plus loin, c’est qu’il demandait à ce que cette pause soit d’une nature différente de celle de la tâche du salarié dans son quotidien.

Transposé à l’ère du numérique, le principe du père du productivisme serait le suivant : si vous travaillez sur ordinateur, vous ne devez pas prendre votre pause devant un ordinateur.

Soyons d’accord, Taylor n’est pas un pionnier de la qualité de vie au travail ! S’il a mis en place cette règle drastique pour tous, ce n’est pas dans une quête du bonheur, mais plutôt dans une recherche de l’efficacité.

Pourtant, notre époque semble avoir oublié ces enseignements et ne pousse plus réellement à pratiquer la pause au travail.

Les deux raisons principales pour ne pas faire de pauses au travail

1 – Parce qu’on culpabilise.

Dans l’entreprise, il est de bon ton d’avoir l’air affairé, de sembler débordé. Que ce soit pour l’image ou pour éviter de récupérer du travail supplémentaire, cette attitude est largement répandue. A tel point qu’on se dit régulièrement « bon courage » pour se souhaiter une bonne journée, comme si travailler demandait à présent une énergie et un courage qui n’étaient pas aussi présents au siècle dernier.

Dans ce contexte, faire une pause ressemble à un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre : elle ne cadre pas avec l’air débordé et affairé du manager moderne. De plus, faire une pause pourrait être pris comme une sorte d’oisiveté. Ce qui n’aide ni à la confiance en soi, ni à l’estime des autres…

Pourtant, comme Peter Drucker l’a expliqué, « la perte de temps au travail est due à notre incapacité à dire non (d’où la multiplication des tâches inutiles) et à un fort penchant à vouloir tout faire soi-même ».

Finalement, ne pas faire de pauses, ne serait-ce pas justement le moyen de démontrer notre incapacité à gérer notre temps et à déléguer ?

Ou encore notre incapacité à discerner ce qui est important de ce qui est urgent ?

2 – Parce qu’on n’en voit pas l’intérêt.

Il est très difficile de se rendre compte de l’effet bénéfique des pauses régulières. Bien sûr, on a tous vécu ces moments où, à bout de souffle, la concentration est si basse qu’on relit les phrases et les mails plusieurs fois pour comprendre. Mais c’est devenu normal, non ? Notre façon de travail aujourd’hui est une source de tension et de pression constante. La fatigue, il faut donc faire avec !

Allons même plus loin : l’absence d’intérêt des pauses est certes flagrant. Pire encore, comme dit Jean Baudrillard, « c’est la peur de l’ennui, cet épouvantail de la vie moderne, qui fait accepter sans regret l’impossibilité de prendre son temps. »

Car oui, la peur de l’ennui nous fait éviter la pause. Du moins, elle nous pousse à prendre une pause face à notre ordinateur…

Bien que mal aimé, la pratique des pauses régulières a de nombreux bienfaits sur votre vie.

Les trois principaux bienfaits des pauses sur le quotidien

1 – Un bienfait sur la réussite de votre vie

Oui, rien que ça !

Pour reprendre Cal Newport, « l’arrêt intellectuel favorise l’apparition d’idées et permet de refaire le plein d’énergie pour repartir. » Ce n’est pas en se fatigant et en travaillant mille heures sur un dossier qu’on parvient à une étincelle de génie. Mais bien au moment où on prend une pause après ces mille heures de travail (parce qu’il faut quand même du travail, nous dit Cal Newport, désolée), que le cerveau assimile, trie et mémorise les informations pour parvenir à LA solution.

Pour que ce procédé puisse fonctionner, la pause ne doit pas être une distraction !
En effet, on a tendance à penser que faire une pause est synonyme de naviguer sur Internet, lire une newsletter humoristique, aller sur les réseaux sociaux. Mais, pour rester dans les principes d’efficacité de Taylor et parvenir à réussir sa vie selon les conseils de Newport, la pause ne doit absolument pas être digitale.

Bien sûr, nous sommes tous un peu (ou beaucoup) accro au digital. Internet est devenu une habitude. Malheureusement, Internet peut dévorer notre temps sans qu’on s’en rende compte. Et lorsque notre pause si durement gagné est enfin terminé, un goût de confusion et de frustration s’installe entre l’envie de rester sur Internet, le besoin d’avoir une vraie pause, la nécessité de reprendre le travail.

Internet vole notre temps et nos pauses salutaires : Que faire alors ?

Facile : se donner des créneaux d’utilisation d’Internet précis, afin de mieux maîtriser son temps. Et le plus difficile : s’y tenir pour respecter sa propre gestion du temps !

Anecdote : quand j’ai commencé à créer des créneaux pour aller sur Internet, je me suis rendue compte que je sous-estimais toujours le temps qu’il me fallait. Mais je respectais les délais et m’obligeait à aller plus vite à l’essentiel. J’ai parfois été un peu vite sur certains sujets, mais ce respect des délais m’a donné une grande confiance en moi et m’a aussi libéré beaucoup de temps pour du travail plus en profondeur.

Pour limiter l’usage de Facebook, voici quelques conseils : article !

Attention ! Inciter à pratiquer des pauses régulières n’est pas un éloge à la pause cigarette. En effet, le tabac a un effet dévastateur sur notre capacité de concentration en revenant de la pause. Certes, cette substance donne un sentiment de lâcher prise, elle fait bien son travail de prise de recul, mais malheureusement elle ne met pas le cerveau en condition pour un retour au travail efficace. C’est d’ailleurs souvent pour cette raison qu’on prend inconsciemment un café en même temps.

Le mieux pour une véritable pause efficace qui contribue au succès de votre vie : prendre le café et sortir dehors sans la cigarette, afin de maximiser les chances de tout côté.

2 – Un bienfait pour la santé physique et mentale

Le cerveau n’est pas fait pour travailler intensément au même rythme sur une longue période de temps. D’où l’origine de la méthode Pomodoro qui propose d’intercaler des périodes de 25min de travail intense avec 5 min de pause. Il n’est pas toujours aisé de prendre aussi souvent des pauses.

L’important est de sortir de l’idée « pause = se lever et sortir dehors ». Il y a mille façons de faire des pauses.

Pour vous en convaincre, la prochaine fois que vous ressentez une légère fatigue, fermez les yeux pour vous recentrer sur vous-même. Détendez les épaules, redressez-vous, prenez une grande inspiration, en gonflant le torse et en écartant les épaules pour vous emplir d’énergie. Puis expirez calmement jusqu’à ne plus avoir d’air. Répétez cet exercice deux autres fois. Cela vous prend moins d’1 minute et vous avez gagné en efficacité. Faites l’essai ! 

Pour aller plus loin, voici un article sur comment allier numérique et créativité : article

3 – Un bienfait pour votre organisation personnelle

Avec la fatigue des heures accumulées, parfois on se force sur une tâche qui semble impossible. C’est la tergiversation infinie. On continue parce qu’on culpabilise de ne pas avoir avancé mais continuer nous fatigue et nous empêche d’avancer. Cercle vicieux bien commun !

Donc, vu que c’est perdu d’avance, le meilleur comportement pour gagner du temps semble de se fixer un objectif de 30min de concentration ultime. Avec un chronomètre, pour ne pas tricher sur les 30 minutes. Au bout de ce temps imparti, vous avez le droit à une vraie pause, du style alléchant, qui donne envie à votre esprit d’y être déjà. Cette simple image est magique car une limite de temps et une promesse d’activité bienfaitrice ramènent une motivation.

Bilan : 30 minutes après, soit vous êtes concentré dans votre tâche et ne souhaitez plus vous arrêter, soit vous pouvez vous arrêter parce que vous en avez accompli un bon morceau et êtes rassuré sur comment avancer (dans ces deux cas, vous avez réellement bien mérité votre pause), soit vous n’avez décidément rien pu faire et autant faire une pause car ça ne va pas s’améliorer. Dans ce dernier cas, surtout ne culpabilisez pas ! Personne n’est efficace plus de 4h30 dans une journée (pour les plus forts), chacun conjugue avec son expérience et ses capacités. Pratiquer une pause au moment où vous n’êtes pas efficace est le comportement le plus responsable qui soit dans une société qui vise l’autonomie et la responsabilisation de chacun.

Enfin, et de multiples études en témoignent, pratiquer des pauses régulières contribue à diminuer le stress, à nous rendre plus concentré, plus réceptif, plus créatif et plus efficace.

Plus qu’à s’y mettre !

Oui, mais quelle pause faire si Taylor et Newport me disent de ne pas aller sur Facebook ?

Des idées de pauses efficaces

Il en existe des centaines, faites des tests, analysez ce qui vous fait le plus de bien.
Voici quelques idées mais Internet regorge d’initiatives dans ce sens (tant que vous chronométrez le temps que vous allez y passer !) :

Faire un puzzle
Peindre
Coudre
Méditer
Faire la cuisine
Marcher dans la nature : la marche en ville n’a pas autant de bénéfice car elle demande une attention de tous les instants (circulations, piétons,…)
S’assoir en extérieur
Regarder les arbres
Suivre le chemin d’un nuage
Marcher sans but
Écouter de la musique instrumentale
Méditer
Lire de la spiritualité
Lire un chapitre stimulant de développement personnel

N’oubliez pas, dans une journée, mieux vaut faire 6 pauses de 5 min que 2 de 15 min.

Marie-Anne Cloarec, experte QVT 2.0

Sources :
Deep Work, Cal Newport
Slow Business, ralentir au travail et en finir avec le temps toxique
Ne me dites plus jamais bon courage, Philippe Bloch
Bien gérer son temps pour les nuls, Business